Une thèse pour isoler les particularités du parler valaisan, celle de l'Evolènarde Céline Rumpf
Une Evolénarde se penche sur les spécificités du parler valaisan à l'Université de Neuchâtel. Céline Rumpf réalise une thèse sur le patois en Suisse romande, et particulièrement en Valais, canton où subsistent encore relativement beaucoup de patoisants. Explications.

Elle utilise des méthodes issues des humanités numériques et des enquêtes participatives pour mieux comprendre le patois du Valais d’aujourd’hui. L’Evolénarde Céline Rumpf réalise actuellement une thèse au Centre de Dialectologie de l'Université de Neuchâtel pour mieux comprendre le parler de notre canton.
Son but : montrer où le patois perdure, et s’il y a des mots typiquement valaisans. Céline Rumpf essaie d'isoler ces régionalismes, en interrogeant des Romands sur certains lexèmes, qu'ils utilisent ou non.
Pour ce faire, la doctorante réalise des enquêtes en ligne - sur des réseaux comme WhatsApp ou Facebook - ou directement sur place, avec des personnes issues de la Suisse francophone. Elle réalise ensuite numériquement des cartes pour montrer visuellement les phénomènes. "C'est important pour moi, car cela permet de diffuser les résultats, que tout le monde puisse les voir, et qu'on ne garde pas ces données uniquement entre dialectologues", sourit-elle.
L'étude des dialectes
La dialectologie est donc l'étude des dialectes. En Suisse romande, des spécialistes ont commencé à s'intéresser au français régional dès le XVIIIème siècle. Mais il existe encore peu de recherches qui se penchent sur le parler valaisan, explique Céline Rumpf.
Elle a donc décidé de regarder ses spécificités d'un peu plus près. A partir de ces cartes, elle tente ensuite d'expliquer les résultats à l'aide d'études ou d'autres données. Et certaines de ses premières conclusions sont surprenantes, assure la doctorante. "Il existe des différences au sein même de notre canton - comme le mot "blèque", qui signifique "très mouillé", et qui n'est utilisé que dans une partie du Valais francophone - mais aussi des liens inattendus avec d’autres cantons." Il s'agit de Fribourg ou le Jura.
Un héritage plus riche là où l'agriculture est toujours présente
Des cantons agricoles, donc. Car d’après Céline Rumpf, le nombre de mots hérités du patois est plus grand dans les régions agricoles. Par exemple, leurs habitants ont des mots différents pour les cloches de vaches – ils utilisent « sonnette », qui vient du patois "sonnaille" ou "sonnade", selon les vallées – et les cloches d’Eglise. Mais dans les endroits plus urbanisés, seul le mot « cloches » a subsisté.
Comment l'expliquer ? C'est logique, selon l'Evolénarde. "Si l'on n'a plus besoin d'un mot, il disparaît !" Et la disparition de "sonnaille" est ici révélateur d'un mode de vie : il s'est éteint dans les zones urbaines, car il n'est plus nécessaire pour ses habitants de distinguer les cloches d'Eglise des objets attachés au cou des bestiaux au quotidien. "Tandis que pour les régions où l'agriculture est encore très présente, entendre une sonnaille ou une cloche n'a pas la même signification pour un habitant - et ne demande pas la même réaction", détaille Céline Rumpf.
Des régions avec de nombreuses exploitations agricoles
En Valais, « sonnette » serait particulièrement utilisé dans les districts d’Entremont (79,6%), d’Hérens (65,5%) et de Conthey (53,6%). "Il s'agit donc de régions qui disposent encore de nombreuses exploitations agricoles et alpages", commente la doctorante.
Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? La chercheuse se refuse à tout jugement de valeur. "Tout ce que je peux dire, c'est que l'extinction d'un lexème peut être logique !" La langue est vivante, certaines sonorités viendront remplacer les mots perdus.
Même si cette perte de patrimoine peut, bien sûr, paraître dommage, ajoute-t-elle. "Nous serons peut-être ces grand-parents qui rappellent à leur progéniture, au détour d'une conversation, l'existence d'un mot oublié", sourit-elle.