Parler, rencontrer, apprendre : à Sion le SprachenBar ne connaît pas la barrière des langues
Hier soir, les Brasseurs de Sion ont une nouvelle fois changé d’ambiance. Le temps d’une soirée, le bar s’est transformé en lieu d’échanges linguistiques. Car chaque deuxième lundi du mois s’y tient le SprachenBar : l’unique rendez-vous de ce type en Suisse romande.

Importé de Suisse alémanique en 2015 par Béatrice Maye, qui en est toujours la cheffe d’orchestre dix ans plus tard, l’événement se veut avant tout convivial et accessible à tous, loin des cours formels ou des examens.
Hier soir, on pouvait entendre "Bonsoir", "Good evening", "Buenas niches" ou "Guten Abend". Environ quarante personnes ont pris place autour des tables pour pratiquer l’une des sept langues proposées : français, allemand, espagnol, italien, anglais, haut-valaisan ou patois.
Le fonctionnement est limpide : chaque langue à sa table, un dé pour tirer au hasard l’un des six thèmes du soir, puis la discussion démarre. Seule limite : éviter les sujets sensibles comme la politique, la religion ou le sexe.
Le rôle du modérateur
Pour fluidifier les échanges, chaque table est encadrée par un modérateur ou une modératrice, qui maîtrise la langue concernée. Sa mission : donner la parole à ceux qui osent moins et canaliser ceux qui s’emballent.
À la table française, Melany occupe ce rôle. Pour elle, l’expérience est gagnant-gagnant : "On reçoit autant que ce que l’on donne en les aidant à apprendre une langue." Modérer, c’est aussi découvrir les histoires de celles et ceux qui viennent.
S’intégrer en pratiquant la langue
En animant la discussion, Melany fait connaissance avec les participants assis autour d’elle. En face : Pascal, un Thurgovien installé en Valais depuis un an. À sa droite : Roye, un anglophone qui ne connaît que quelques mots de français. En diagonale : Cansu, originaire de Turquie, arrivée dans le canton il y a trois ans.
Mère de deux garçons, Cansu a vu dans ces soirées l’occasion de progresser dans une langue qu’elle ne maîtrisait pas à son arrivée en Suisse. "Une amie m’a parlé d’un SprachenBar où tu peux améliorer ton français", se souvient-elle. Depuis, elle est devenue une habituée. Hier soir, c’est même elle qui a lancé la discussion avec le premier thème tiré : la suppression des natels dans les écoles.
Ouvert à tous les profils
En circulant d’une table à l’autre, la diversité saute aux yeux. Hommes, femmes, locaux, expatriés, étudiants, retraités : difficile de dresser un profil type. La table du patois regroupe plutôt des personnes plus âgées, alors que celle du haut-valaisan accueille, par exemple, une maman venue avec ses deux petites filles.
À la table italienne, connue pour son énergie et sa fidélité, un nouveau venu découvre l’expérience : Raphaël. Avec un père italien, il "a la langue dans l’oreille", mais manque de pratique. Il est venu pour dérouiller tout cela : "J’avais envie d’approfondir et de me faire un peu plaisir." Lui préfère toutefois vivre la soirée jusqu’au bout avant de décider s’il reviendra.
Les patoisants, une table à part
Présents depuis le lancement du projet, les patoisants occupent une place particulière. Chez eux, pas de modérateur ni de structure : une dizaine de passionnés, issus de différentes régions du canton, échangent librement dans leur patois.
Pour René, fidèle parmi les fidèles, ces rencontres permettent de mélanger les patois et de renforcer une identité commune.
Et pour ceux qui se demandent si les patois se comprennent entre eux, la réponse est oui. La preuve avec le mot de la fin d’une participante :
