Fonte des glaciers : des forêts ancestrales millénaires refont surface
Des troncs de plusieurs milliers d'années, libérés par la fonte des glaciers et l’érosion des moraines, livrent des indices uniques sur notre climat. Le géomorphologue Melaine Le Roy les collecte chaque automne en Valais, avant qu’ils ne disparaissent à jamais.

À Arolla, Zermatt, Zinal ou encore sur le flanc de l’Aletsch, des vestiges de forêts englouties réapparaissent chaque été. Troncs, racines, branches : des morceaux de bois conservés parfois plus de dix mille ans par la glace et les sédiments, et qui sont au cœur du travail de Melaine Le Roy.
Ce chercheur, docteur en géomorphologie, repart ces prochains jours en expédition dans les Alpes.
Lire l’histoire du climat dans le bois
Tronçonneuse au poing, il traque sur les sites ces morceaux de forêt. Qui sont, il insiste, "bien plus que des curiosités naturelles".
Au contraire, ils sont au cœur d’une discipline rare, la dendroglaciologie. Chaque cerne de croissance renferme une donnée annuelle : températures estivales, avalanches, invasions d’insectes, fluctuations des glaciers. Datés avec précision, ils permettent de reconstituer l’histoire climatique de l’Holocène. "Ces bois donnent à la fois la date et l’endroit précis où un glacier a recouvert une forêt. Ce sont de véritables pièces à conviction", explique Melaine Le Roy.
Passé naturel, présent anthropique
Ces vestiges rappellent que les glaciers ont déjà reculé fortement dans le passé, parfois jusqu’à libérer de vastes forêts. Mais le chercheur insiste : le retrait actuel est d’une rapidité inédite et résulte de l’action humaine. Un point essentiel, car "sans cette mise en contexte, certains pourraient conclure à tort que ce qu’il se passe aujourd’hui est normal. C’est tout l’inverse si l'on regarde les paramètres naturels régissant le climat", souligne-t-il.
Une course contre la montre
La fenêtre pour collecter ces bois est très étroite. Car les moraines se stabilisent puis se végétalisent rapidement. Dans une vingtaine d’années, il ne sera plus possible de retrouver ces échantillons. "Manquer une saison, c’est perdre des témoins uniques", rappelle le scientifique.
Un patrimoine pour la science et les générations futures
Au-delà de leur valeur scientifique, ces troncs millénaires constituent aussi un patrimoine naturel. Ils pourront être étudiés par les chercheurs de demain avec des méthodes d’analyse encore inexistantes. "Il s’agit de constituer une véritable bibliothèque de bois, que l’on ne pourra plus jamais retrouver, afin de transmettre aux générations futures des archives exceptionnelles du climat", résume Melaine Le Roy.
Soutenir la collecte des bois subfossiles
Faute de financements académiques réguliers, " comme c’est souvent le cas avec des projets recherches qui s’étalent sur une si longue durée ", le chercheur a lancé une campagne de crowdfunding pour couvrir son expédition annuelle.
Plus de 8’000 francs ont déjà été récoltés, sur un objectif de 12’000.
La cagnotte doit permettre d’assurer trois semaines de terrain, l’analyse de certains échantillons au radiocarbone, ainsi que la préparation des contreparties pour les contributeurs.