Ramon Zenhäusern: «Physiquement et psychologiquement, je suis dans la forme de ma vie»
Son rapport au Valais, ses performances cette saison, son style et sa célébrité grandissante. Ramon Zenhäusern se confie sans limite dans cet entretien effectué après quelques jours de vacances, avant les Mondiaux et entre deux manches d’entraînement.

Ramon Zenhäusern, vous avez profité, la semaine dernière, de quelques jours de vacances en Valais. Vous avez réussi à déconnecter ?
Oui, après ce mois de janvier très intense (ndlr : sept slaloms en 25 jours), ça a fait du bien de se reposer quelques jours. J’en ai profité pour skier dans la poudreuse, faire de la luge, du ski fond. Que des activités que je n’ai pas le temps de faire durant la saison.
C’est aussi l’occasion de passer du temps chez vous, à Bürchen ?
Oui, c’est très important pour moi. J’y recharge mes batteries, au milieu de la nature, là où j’ai appris à skier.
«Le Valais, c’est là où bat mon cœur.»
Vous qui faites le tour du monde durant la saison, quel rapport avez-vous avec le Valais ?
Le Valais, c’est… comment vous dites en français ? C’est le « Heimat », c’est là où mon cœur bat ! C’est toujours bien de partir pour découvrir le monde, mais je me réjouis toujours de revenir en Valais. Et ce sentiment va durer toute ma vie je crois. On est comme ça en Valais, on a toujours besoin de revenir.
«Durant l’hiver, en neuf slaloms, il y a eu sept vainqueurs différents. C’est vraiment ouvert et beaucoup peuvent jouer le podium.»
Parlons de votre prochaine échéance: les mondiaux. Si on vous dit que vous êtes le ou l’un des favoris au titre en slalom, vous acceptez ce statut ?
«L’un des favoris», oui j’accepte. Il y a tellement de slalomeurs qui peuvent gagner. Durant l’hiver, en neuf épreuves, il y a eu sept vainqueurs différents. C’est vraiment ouvert et beaucoup peuvent jouer le podium. Alors oui, je fais partie de ces dix ou quinze athlètes qui peuvent se retrouver sur la boite.
Il y en a quand même peu qui peuvent se targuer d’avoir une victoire, deux 2e places et quatre top 10 cet hiver…
C’est vrai que ma saison est constante jusqu’à présent. Il m’a manqué quelque chose pour être plus souvent dans le top 3. Mais j’ai quand même pu montrer mes qualités dans toutes les conditions, sur toutes les pentes. Ce qui me permet de figurer au 2e rang du classement de la spécialité. C’est le résultat du travail effectué avec l’équipe de Suisse durant les dernières années.
«Dans l’équipe suisse de slalom, je suis loin d’être seul aux avant-postes. Tout le monde a le potentiel d’aller chercher le podium.»
Et cela fait de vous le leader de l’équipe de Suisse cet hiver. Une pression supplémentaire ?
Franchement non. Comme je disais avant, la concurrence est tellement dense. Dans l’équipe suisse de slalom, je suis loin d’être seul aux avant-postes. Tout le monde a le potentiel d’aller chercher le podium. On l’a vu à Chamonix, avec Luca Aerni ou Sandro Simonet qui ont fait de magnifiques prestations. Donc la réussite est vraiment partagée et c’est très bien car on se pousse tous vers le haut.
L’équipe de Suisse de slalom est la meilleure du monde, on est d’accord avec vous. Mais vous êtes le plus régulier, donc le chef de fil, non ?
«Chef de fil» ? (rires) Mouais, mais il faut aussi avoir un peu de chance, et cette année, elle est de mon côté. J’ai moins enfourché que l’hiver dernier. Ça peut aller tellement vite en slalom, tellement on est sur le fil du rasoir. On le voit très bien avec Daniel (ndlr : Daniel Yule). Il sait toujours skier vite, mais ça se joue sur si peu qu’on peut rapidement se retrouver tout devant ou alors beaucoup plus loin au classement. On n’est jamais sûr de rien dans cette discipline.
A 28 ans, Ramon Zenhäusern, vous êtes dans la forme de votre vie ?
Je pense, oui. Je me sens très bien, je n’ai pas de pépins physiques, je me sens fort. Physiquement et psychologiquement, je suis dans la forme de ma vie, oui.
De quoi être ambitieux. Vous visez l’or aux mondiaux ? L’or aux JO l’an prochain ?
Non, je ne me fixe pas de tels objectifs. Je prends chaque course comme elle vient, en essayant de montrer mon meilleur ski. Les mondiaux, bien sûr que c’est très important. Mais ça reste une course d’un jour. Je vais bien évidemment tout donner pour décrocher un podium, car il n’y a que les médailles qui comptent dans cette compétition.
«Je serais bête si je disais à l’interview que j’étais certain de revenir avec une médaille et que si elle n’était pas en or, je serais déçu.»
Ce discours, c’est une manière de vous libérer de la pression et des attentes qu’il y a à votre égard ?
Oui, en quelque sorte. Mais je crois que tout le monde le fait. Je serais bête si je disais à l’interview que j’étais certain de revenir avec une médaille et que si elle n’était pas en or, je serais déçu. Ce serait franchement c** de parler ainsi.
Vous êtes performant en coupe du monde depuis trois saisons, après avoir connu pas mal de difficultés. Quel a été le déclic ?
Le déclic, c’était la saison des Jeux Olympiques 2018 à PyeongChang. Avant les JO, j’avais obtenu ma qualification en réalisant deux top 15. Le premier, à Adelboden (15e), m’avait complètement libéré. J’ai pu me lâcher une semaine plus tard à Wengen, en terminant 4e. A partir de là, tout s’est enchaîné. J’ai remporté le city event de Stockholm, puis la médaille d’argent aux Jeux et enfin le premier podium en coupe du monde de slalom à Kranjska Gora (3e).
Alta Badia: 1e
Madonna di Campiglio : 13e
Zagreb: 9e
Adelboden: 13e
Flachau: 6e
Flachau: 9e
Schladming: 5e
Chamonix: 2e
Chamonix: 2e
Du haut de vos 2,02 mètres, vous déjouez tous les pronostics dans la discipline. C’est quoi, le style Ramon Zenhäusern ?
C’est de faire quelque chose que tout le monde pensait impossible (rires). C’est clair qu’avec 2,02 mètres, il faut s’entrainer différemment. Surtout au début, c’est plus compliqué de trouver l’équilibre dans la position entre l’avant et l’arrière. Mais une fois qu’on trouve la bonne balance, ça devient presque un avantage, notamment en ce qui concerne les angles qu’on peut trouver.
«Avec mes 2,02 mètres, j’ai de la peine à me cacher, tout le monde me voit.»
Depuis trois saisons, vous êtes entré dans une nouvelle dimension. Notamment auprès du public ?
Oui, depuis plusieurs hivers maintenant. Je pense que c’est aussi à cause de mes 2,02 mètres… j’ai de la peine à me cacher, tout le monde me voit (rires). Mais ça m’apporte énormément. Je me nourris de ces soutiens. Tout à l’heure, au moment de prendre la télécabine, un homme a presque pleuré tellement il était heureux de nos résultats avec l’équipe de Suisse de slalom. Ce genre de témoignage me touche énormément. C’est très sympa de constater qu’on peut procurer de la joie grâce à notre hobby ou à notre profession de skieur.
Ecoutez l'interview intégrale de Ramon Zenhäusern:
