Portrait du mois: Céline Abgottspon, de la glace à la bande pour l'amour du hockey
De longues années dans l’élite, des titres, une aventure à l’étranger et deux Mondiaux avec l’équipe de Suisse: à 27 ans, Céline Abgottspon possède déjà un sacré CV dans le monde du hockey. La Haut-Valaisanne a décidé de raccrocher les patins pour lancer pleinement son parcours de coach. Portrait.

Le Valais perd l’une de ses rares représentantes en Women’s League, l’élite du hockey en Suisse. À 27 ans, Céline Abgottspon a en effet décidé de raccrocher ses patins pour épouser – pour de bon – une carrière de coach. Elle a récemment été nommée par Swiss Ice Hockey aux commandes des effectifs féminins U14 et U16. La Haut-Valaisanne entrera officiellement en fonction ce samedi 1er avril.
Le hockey est très vite devenu sa première passion
Si des blessures à répétition l’ont plus ou moins forcée à renoncer à son parcours de joueuse, la désormais ex-défenseuse de Lugano était bien décidée à ne pas tourner le dos pour autant aux patinoires. Il faut dire que le hockey sur glace occupe une grande partie de sa vie depuis près de deux décennies. «Tout a commencé à l’école primaire», se souvient la native de Staldenried. «Deux de mes amis jouaient à Viège et on passait tout notre temps libre devant la maison avec des cannes et des balles. L’idée est finalement venue de mon papa de nous inscrire, ma sœur et moi, à l’école de patinage. Deux ou trois leçons sur la glace ont suffi à me convaincre: le hockey serait ma première passion devant le ski et le football que je pratiquais également.»
«Papa a parfois dû parlementer avec mon entraîneur pour que j’aie le droit de jouer.» Céline Abgottspon
Bien que le hockey soit considéré par beaucoup comme un sport majoritairement masculin, Céline Abgottspon assure avoir toujours pu compter sur le soutien de ses proches. «Mes parents disaient que le plus important pour eux était que l’on fasse quelque chose qui nous plaît. Ma sœur s’est détournée du hockey pour la natation, pas moi. La seule difficulté que j’ai pu rencontrer est le fait d’avoir débuté sur la glace à sept ans. La plupart commencent avant. Papa a parfois dû parlementer avec mon entraîneur pour que j’aie le droit de jouer mais rapidement, j’ai fait des progrès.»
Même pas 15 ans à ses débuts dans l’élite
La Haut-Valaisanne n’avait d’ailleurs même pas quinze ans lorsqu’elle a eu droit à ses premières apparitions dans l’élite du hockey féminin à Viège. Encore en pleine adolescence, elle a ensuite quitté le cocon familial pour évoluer à Thoune d’abord puis surtout à Lugano qui allait devenir le principal club de sa carrière. «Je n’ai jamais eu peur de sauter dans l’inconnu», relève-t-elle. «J’arrivais à un âge qui ne me permettait plus de jouer avec les garçons. Ma personnalité était suffisamment forte pour trouver mes marques loin de mes proches. Je rentrais lors des rares week-ends de libre que l’on avait ou à Noël, c’est tout.»
«Chaque titre à son histoire et ses émotions, ne me demandez surtout pas lequel j’ai préféré.» Céline Abgottspon
Lors de ses premiers mois au Tessin, Céline Abgottspon reconnaît avoir souffert de la barrière de la langue. «Je restais majoritairement avec les étrangères de l’équipe qui étaient canadiennes. Nous communiquions essentiellement en français. Mais j’ai pris des cours intensifs d’italien et j’ai progressé au collège où j’ai obtenu ma maturité.» En deux passages et sept saisons à Lugano, elle a remporté trois titres et une Coupe de Suisse. «Plus que les trophées, je retiens les émotions différentes ressenties à chaque fois», assure-t-elle. «Notre premier sacre est tombé dès ma première saison là-bas. J’étais la petite nouvelle, toute jeune et je me retrouvais dans la même équipe qu’une joueuse comme Nicole Bullo qui avait déjà dix saisons derrière elle et qui est une vraie légende au Tessin. L’année suivante, j’avais déjà un peu plus ma place dans l’équipe. Et puis le 3ème titre (ndlr: en 2021) est tombé la saison de mon retour à Lugano. Mon rôle était différent que lors des deux précédents, j’étais plus vieille. Chaque titre à son histoire et ses émotions, ne me demandez surtout pas lequel j’ai préféré.»
Une année en Suède
Entre ses deux passages à la Resega – devenue Corner Arena – Céline Abgottspon a vécu une seconde pige à Thoune mais surtout, une expérience à l’étranger. Lors de l’exercice 2018/2019, elle a mis le cap sur la Suède et Göteborg. «Je n’ai pas eu besoin de beaucoup de temps pour me décider à partir», sourit-elle. «J’avais fini ma formation et j’avais déjà fait quatre ans à Lugano, c’était le bon moment pour tenter ma chance hors des frontières.» Si son aventure en Scandinavie n’a duré qu’une année – «J’avais déjà souffert d’une commotion cérébrale en 2017 et j’ai reçu un nouveau check qui m’a fait mal» - la Haut-Valaisanne en retient énormément de positif. «J’ai découvert un hockey totalement différent de ce que l’on connaît en Suisse. J’ai rejoint une équipe qui venait d’être promue afin d’avoir un maximum de temps de glace. Là-bas, il y a dix équipes d’un très bon niveau. Je vivais avec une autre fille de l’équipe dans la famille du team manager, c’était vraiment cool.»
Céline Abgottspon (en blanc à droite) avec l'équipe de Suisse lors des Mondiaux 2015 contre la Suède (Photo: Keystone/ATS)
Au moment de refermer le livre de son parcours joueuse, la Haut-Valaisanne est fière d’avoir eu la chance de porter le maillot de l’équipe de Suisse lors de deux championnats du Monde, en 2015 en Suède et en 2017 aux Etats-Unis. «Représenter son pays lors d’un tel événement, c’est un rêve pour n’importe qui. Je n’ai jamais ressenti de pression au moment d’enfiler le maillot rouge à croix blanche. Je voulais simplement en profiter et montrer ce que je valais.» Un seul regret subsiste dans son esprit: celui de n’avoir pas pu vivre de Jeux Olympiques. «Mon année en Suède était celle des JO de Pyeongchang. J’étais en forme, je me sentais bien dans l’équipe…puis est arrivé ce pépin physique. Mais bon, on ne peut jamais choisir le moment pour subir une blessure.»
Déjà une (petite) expérience en coaching
Les bobos à répétition ont donc fini par avoir raison de la défenseuse et ont accéléré son passage derrière la bande. «Après mon retour de Göteborg, j’ai passé une année sans jouer. Il fallait que je trouve un moyen de m’occuper en gardant un pied dans le hockey. C’est comme ça que j’ai débuté le coaching. Depuis, j’ai rendu pas mal de services à Lugano avec les jeunes. Même si j’ai essayé de poursuivre mon parcours sur la glace, je savais très bien que ça ne durerait pas jusqu’à mes 40 ans. Cette année, j’ai senti que le moment était venu de mettre un point final à tout ça.»
«Je dois faire un travail sur moi-même pour ne pas vivre le match de la même manière en tant que coach qu’en tant que joueuse.» Céline Abgottspon
Si elle a fait le choix de passer pour de bon de la glace à la bande, c’est que Céline Abgottspon reconnaît qu’il lui est difficile de concilier les deux rôles. «Je dois faire un travail sur moi-même pour ne pas vivre le match de la même manière en tant que coach qu’en tant que joueuse», rigole-t-elle. «J’ai toujours été plutôt nerveuse sur la glace alors que j’essaie de rester plus tranquille sur le banc. Mon but, c’est d’être proche de mes joueuses, de leur laisser des libertés tout en sachant me montrer stricte s’il le faut.»
Deux catégories, deux rôles différents
En étant choisie par Swiss Ice Hockey pour endosser le rôle de Head Coach des U14 et U16, la Valaisanne sait l’investissement que lui demandera cette double fonction. «En U14, il n’y a pas d’équipe nationale à proprement parler. Il y a deux groupes: Est et Ouest», explique-t-elle. «Avec cette catégorie-là, mon rôle sera surtout administratif. Je veillerai à ce que tout se passe bien et j’observerai les joueuses capables de rejoindre l’équipe U16. À partir de ce niveau-là, on organise des entraînements le mercredi après-midi. Il y a du travail sur la glace mais aussi de la théorie pour nous préparer au mieux aux tournois auxquels on participe.»
Une chose est certaine: la Céline Abgottspon de 2023 éprouve le même enthousiasme à l’idée d’entamer son nouveau parcours que la petite fille de 7 ans qui, à une époque, maniait la canne devant la maison familiale, sur les hauteurs de Staldenried.
