Peter Zeidler: «Le football professionnel ne fonctionne pas sans public»
Alors que son FC Saint-Gall se déplace pour la deuxième fois en dix jours à Tourbillon ce samedi, nous avons joint l’entraîneur des Brodeurs Peter Zeidler. En pleine mise au vert, il s’est livré, comme à son habitude, avec beaucoup de plaisir.

Depuis qu’il a été nommé à la tête du FC Saint-Gall, c’était à l’été 2018, Peter Zeidler est déjà revenu à plusieurs reprises à Tourbillon mais il l’assure: ce déplacement a toujours une saveur particulière pour lui. «Cela me fait d’autant plus plaisir d’être ici en ce moment qu’à Saint-Gall, il fait très froid. Retrouver le Valais, ça fait donc vraiment du bien», souffle-t-il. «Et vous savez très bien à quel point j’aime ce canton et le FC Sion. Mais bon, tout ce qui compte désormais ce sont les trois points qui sont en jeu ce samedi. Ils nous ont battus lors du dernier match donc cette fois, on ne veut pas se laisser faire.»
«C’est peut-être bizarre de dire ça comme ça mais le Valais et le FC Sion resteront toujours dans mon cœur.»Peter Zeidler
Le technicien allemand ne peut s’empêcher de clamer, une fois encore, tout son attachement à une région et à un club qu’il avait rejoint à l’automne 2016 et dont il garde, aujourd’hui encore, des souvenirs bien précis. «La qualification pour la finale de la Coupe bien sûr même si je n’avais pas eu la chance d’accompagner mon équipe à Genève par la suite. Je retiens aussi le fait que j’avais une bonne équipe, un bon groupe de joueurs, ce ne sont vraiment que de bons souvenirs. C’est peut-être bizarre de dire ça comme ça mais le Valais et le FC Sion resteront toujours dans mon cœur.»
Et la réciprocité vaut aussi: celui qui avait pourtant la lourde tâche de succéder à un certain Didier Tholot a marqué les esprits dans le Vieux-Pays où bon nombre de supporters regrettent toujours son départ quatre ans plus tard. Le principal concerné en est-il seulement conscient? «Oui, je l’ai senti à chaque fois que je suis revenu à Tourbillon et que le public avait encore le droit de venir au stade. J’ai toujours été très bien accueilli, personne n’a oublié ce que l’on a accompli à l’époque et j’en suis fier. Je suis vraiment très reconnaissant de toute l’amitié que me portent toujours les Valaisans aujourd’hui.»
Une histoire qui aurait pu être encore plus belle
L’histoire qui lie Peter Zeidler au FC Sion est déjà belle, bien sûr, mais elle aurait pu l’être davantage encore si elle ne s’était pas terminée de manière relativement abrupte, alors que la 14ème finale de Coupe se profilait et que le club pointait toujours parmi les premiers de classe en championnat. «Je ne dirais pas que je ressens de l’amertume par rapport à la fin de mon aventure en Valais, ce n’est pas le bon terme», nuance celui qui s’était engagé quelques mois plus tard du côté de Sochaux en Ligue 2. «Mais pour être honnête, mercredi on est allé jouer à Genève (ndlr : match nul 2-2 entre Servette et Saint-Gall) et en arrivant avec le bus devant le stade, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à cette finale face à Bâle que je n’ai pas pu vivre avec mon équipe. J’aurais vraiment voulu connaître ça…» Et même ce qui a suivi son limogeage, cette première défaite de l’histoire au stade ultime de la compétition et ces années de lutte contre la relégation, ne suffit pas à lui faire dire qu’il est parti au bon moment: «Non, absolument pas! J’aurais vraiment aimé rester plus longtemps en Valais!»
Aujourd’hui à la tête du FC Saint-Gall donc, l’ancien homme fort de Salzbourg et Tours notamment tire des parallèles entre ce qu’il vit en Suisse orientale et ce qu’il a connu durant son expérience sédunoise. «Ce sont deux clubs bien ancrés dans leur région, où le football a une place énorme dans la vie de tous les jours et où les supporters sont très présents derrière l’équipe.»
La grande surprise de la saison dernière
Une présence des fans encore accentuée l’an dernier chez les Brodeurs, lesquels se sont mêlés jusqu’au bout à la course au titre. À la surprise quasi-générale. «Personne ne s’y attendait c’est vrai mais avec les joueurs que l’on avait, tout a très bien collé. On avait un formidable esprit d’équipe qui s’est ressenti jusqu’auprès du public. On a fait plusieurs matches vraiment spectaculaires, notamment grâce à l’appui venu des tribunes. Je regrette seulement ce «lock-down» sans lequel on aurait joué à guichets fermés tous les derniers matches de la saison. C’était une période sensationnelle à vivre, c’est clair, mais maintenant il faut la ranger au rayon des souvenirs. On a une nouvelle équipe et c’est une nouvelle saison, plus serrée que jamais si l’on fait exception de Young Boys qui est déjà loin devant.»
Une nouvelle saison lors de laquelle le FC Saint-Gall n’est pas parvenu à enchaîner sur la dynamique ultra-positive d’il y a douze mois. Actuellement cinquièmes, les hommes de Peter Zeidler n’ont notamment pris que six points lors de leurs huit dernières sorties. «Il ne fallait pas croire que reproduire ce que l’on a fait serait facile», explique-t-il. «On est encore très loin du niveau d’YB et on a perdu plusieurs joueurs importants durant l’été. Il ne faut pas non plus oublier que notre effectif est très jeune, ce qui comporte aussi bien son lot de forces que de faiblesses. Et l’absence du public, je me répète peut-être, ne facilite pas les choses. Vous le savez très bien en Valais aussi, le foot c’est ça, c’est le partage avec les supporters. Le football professionnel ne fonctionne pas à ce niveau sans public.»
«On a tous des souvenirs de moments de partage avec le public, que ce soit à Saint-Gall, à Sion ou ailleurs. Le foot, c’est ça aussi…»Peter Zeidler
Un peu «showman» sur les bords, toujours très proche des fans de son équipe qu’il n’hésite pas à haranguer pour porter ses troupes vers la victoire, Peter Zeidler reconnaît prendre un peu moins de plaisir le long de sa ligne de touche depuis que le huis-clos a été imposé à l’ensemble du pays. «C’est particulier, difficile, parfois terrible, ça manque de plus en plus», dit-il. «Cela ne change pas fondamentalement la manière de coacher, certes, mais on a tous des souvenirs de moments de partage avec le public, que ce soit à Saint-Gall, à Sion ou ailleurs. Je revois encore dans ma tête les images de Pa Modou et des autres joueurs de l’équipe chanter pendant de longues minutes avec le Gradin Nord après la victoire contre Lucerne en demi-finale de la Coupe. Le foot, c’est ça aussi, cette joie communicative. Ce sport ne se résume pas seulement à des une-deux, à des frappes lointaines, à des tacles ou à des mises en place tactique....»
Un contrat prolongé jusqu’en…2025
À l’autre bout de la Suisse, Peter Zeidler se sent parfaitement épanoui à la tête d’une équipe qu’il aura bientôt dirigé à 100 reprises en compétition officielle (il en est aujourd’hui à 98). Au kybunpark, il jouit aussi, et surtout, de la grande confiance de ses dirigeants. Lesquels n’ont pas hésité l’été dernier à prolonger son contrat jusqu’en…2025. «Bon, dans le football, la durée d’un engagement n’est pas une garantie en soi. C’est une phrase qui prend encore plus de sens en Valais, non?», rigole-t-il. «Plus sérieusement, d’autres formations m’ont montré de l’intérêt mais je me sens vraiment bien à Saint-Gall. Surtout dans la crise que l’on vit actuellement, c’est pour moi le club idéal. Je ne peux bien sûr pas vous assurer que je resterai cinq ans ici mais ce qui est certain c’est que même si je n’ai plus ni 30 ni 40 ans, je me sens toujours très jeune dans ma tête. Je suis plein d’énergie donc je me vois en tous cas encore longtemps dans le monde du foot.»
«En Allemagne la Bundesliga n’est pas seulement une institution, c’est le rêve pour tous les gamins.»Peter Zeidler
Parmi les clubs qui l’ont approché ces derniers mois, l’ancien technicien du FC Sion ne cache pas avoir eu plusieurs touches dans son pays d’origine. «Ca me flatte énormément car vous savez, en Allemagne la Bundesliga n’est pas seulement une institution, c’est le rêve pour tous les gamins», reconnaît-il. «Pour moi, c’était un rêve lointain qui s’est rapproché ces dernières années. Mais là encore, je ne peux pas vous dire ce qui se passera dans le futur. Ce que je sais seulement, c’est que le bonheur ne se résume pas à un passage en Bundesliga. Aujourd’hui, je ne me pose donc pas la question car, je le répète, je suis très bien où je suis.»
Une idée de jeu que les joueurs doivent s'approprier
Et si les portes de la Bundesliga pourraient bien s’ouvrir devant lui à l’avenir, Peter Zeidler le doit à ce qui fait son succès, à ce qui marque les esprits et qui fait qu’aujourd’hui encore, son nom ravive de merveilleux souvenirs en Valais: un style de jeu ultra-offensif marqué par une grosse prise de risques de la part de ses protégés. Le principal intéressé ne le cache d’ailleurs pas, «je préfère largement gagner un match 4-3 que 1-0.» Une telle philosophie de jeu implique toutefois forcément une importante débauche d’énergie de la part des joueurs. Ce qui ne semble pas poser de problèmes au sein du vestiaire saint-gallois. «Ca fonctionne très bien avec cette équipe, c’est vrai. Mais attention, cette manière de jouer ne doit pas seulement être une idée de l’entraîneur. Il faut que ça devienne «leur truc», qu’ils comprennent mon message bien sûr mais qu’ils en fassent ensuite ce qu’ils veulent. Et si ça marche ici, c’est aussi que le profil des joueurs colle bien. Vous voulez un exemple? Euclides Cabral! Il a été formé à Sion, il a grandi à Saxon et on l’a engagé cet hiver en provenance de GC. Il a toutes les qualités pour s’intégrer parfaitement à notre jeu. Il a ce grain de folie, cette envie de jouer vers l’avant et de prendre des risques. Il symbolise selon moi à merveille notre façon de jouer.»
7 victoires en 10 matches contre Sion
Ce samedi, le FC Saint-Gall, Euclides Cabral et Peter Zeidler se présenteront donc pour la 2ème fois en dix jours sur la pelouse de Tourbillon. Ce sera aussi le onzième duel entre le technicien allemand et son ancien club en championnat. Le bilan après les dix premiers? Sept victoires saint-galloises, un nul et seulement deux défaites. «Oui, j’aime affronter le FC Sion, c’est vrai, mais pas seulement en raison de ces résultats», déclare-t-il. «Ca me permet de retrouver beaucoup de personnes qui sont restées de bons amis depuis mon passage en Valais. C’est toujours un régal de les revoir même si, bien sûr, une fois que l’on est dans le match on oublie tout ça. Tout ce qui compte c’est de prendre les trois points, ce que l’on a pas réussi à faire lors de notre dernière venue.»
«J’aime beaucoup Gaëtan Karlen et je vous avoue que je voulais le prendre chez nous quand il était encore à Neuchâtel.»Peter Zeidler
Toujours très attaché au club sédunois, Peter Zeidler dresse un regard positif sur les performances récentes des hommes de Fabio Grosso. «Il y a eu cette élimination de la Coupe face à Aarau, certes, mais avant cela ils ont fait plusieurs très bons matches, notamment contre nous. J’ai vu une équipe animée par un bon état d’esprit, qui adhère parfaitement aux plans du coach et qui dégage une belle énergie. C’est ce qui leur a permis d’aller, malheureusement, chercher cette victoire en fin de match contre nous. Il ne faut pas croire que c’était un coup de chance.» Et lorsqu’on lui demande si, pour lui, une individualité se détache au sein du contingent valaisan, l’Allemand n’hésite pas: «J’aime beaucoup Gaëtan Karlen comme j’aime beaucoup son frère Grégory. Je vous avoue que je voulais le prendre chez nous quand il était encore à Neuchâtel. Il a une mentalité que j’apprécie énormément. J’espère juste qu’il ne sera pas dans un grand soir ce samedi.»
Il ne veut pas parler de revanche
Ce samedi, justement, à quel genre de match doit-on s’attendre à Tourbillon, dix jours après le succès au bout du suspense du FC Sion dans le premier affrontement de l’année entre les deux clubs? «Je ne vais pas utiliser le mot «revanche» car, là aussi, c’est un terme que je n’aime pas», commence-t-il. «Par contre, au vu de notre match de mercredi à Genève, je suis plutôt positif. On a montré plusieurs bonnes choses, notamment grâce au retour de notre stratège Jordi Quintillà qui était suspendu en Valais. J’ai le sentiment que l’on est capable de gagner ou d’au moins prendre un point cette fois. À condition, évidemment, de sortir un grand match.»
Sion-Saint-Gall, c’est donc ce samedi dès 20h30 à Tourbillon. Une rencontre à suivre en direct sur Rhône FM.
