Le HC Viège en crise : tentative d’explications
Auto-proclamé comme l’un des favoris au titre de champion de Swiss League et candidat à la promotion à l’échelon supérieur, le HC Viège déchante depuis le début de la saison. Battu huit fois en onze matches, le club valaisan est enlisé dans la crise. Tentative d’explications.

À l’heure de retrouver le championnat de Swiss League début octobre, plus de six mois après sa mise en pause forcée par la pandémie, beaucoup d’excitation était perceptible dans le Haut-Valais. Et même au-delà. Tandis que s’ouvrait un exercice qui n’obligera pas son champion à passer par une série de promotion/relégation contre le cancre de l’échelon supérieur au printemps, le HC Viège clamait haut et fort ses ambitions. Il comptait bien mettre des bâtons dans les roues de l'ogre Kloten et se portait candidat à l'accession à la National League.
Deux mois plus tard, le club haut-valaisan a déjà changé d’entraîneur, exit Matti Alatalo remplacé par Bruno Aegerter, il reste sur sept défaites de rang et en a subi huit en onze sorties. Loin des premiers de classe, il pointe au 11ème rang d’un classement certes rendu boiteux par les quarantaines et les renvois en cascade. Mais comment expliquer cette crise que personne n’avait franchement vu venir? Nous avons cherché des réponses auprès de trois observateurs attentifs du club de la Lonza Arena.
La pression a-t-elle été trop grande pour les joueurs?
Au vu de ce début de saison manqué et des ambitions affichées durant l’été, une première hypothèse pourrait être celle d’une pression trop grande et difficile à supporter pour les joueurs. Une hypothèse sur laquelle ne penche toutefois que modérément Olivier Ecoeur, ancien joueur de Sierre, Sion et Martigny et suiveur attentif du hockey valaisan : «À Viège, les joueurs sont habitués à la pression. Cela fait longtemps qu’elle est là et que le club a des objectifs élevés, il a notamment déjà remporté deux fois le titre ces dernières années. Et puis bon, cette année, sans public dans les tribunes, il y a à mon sens forcément moins de pression.» Un avis partagé par Xavier Reber. L’ancien attaquant était de la partie lors du dernier sacre des Viégeois en 2014 : «Les joueurs risquent plus de ressentir de la pression avec le temps, si les résultats tardent vraiment à venir.»
«Le moment n’a pas été bien choisi pour changer d’entraîneur»Gabriel Taccoz - Ancien joueur du HC Viège
Au moment de partir dans ce championnat de Swiss League cuvée 2020/2021, les dirigeants de la Lonza Arena confirmaient leur confiance en Matti Alatalo. Arrivé en 2017 dans le Haut-Valais, le technicien finlandais était considéré comme l’homme de la situation. Sept matches et cinq revers plus tard, il était remercié et remplacé par Bruno Aegerter, jusqu’alors directeur sportif du club. «Personnellement, je pense que le moment n’a pas été bien choisi pour changer d’entraîneur. Il fallait le faire en fin de saison dernière déjà. Le faire là, avec les difficultés liées au covid, c’était compliqué», témoigne Gabriel Taccoz, figure emblématique du club viégeois. «Dire maintenant que ce changement n’était pas une bonne chose est facile», nuance Olivier Ecoeur en référence aux quatre défaites de rang subies depuis cette rocade derrière la bande. «Au vu de la situation dans laquelle ils étaient déjà à la mi-octobre et au vu des ambitions clamées, faire quelque chose s’imposait. Lorsque l’on dit que l’on vise la promotion, que l’on a une patinoire telle que la Lonza Arena, que des promesses ont été faites et que l’on se retrouve décroché par les équipes de tête, il faut réagir et c’est ce que les dirigeants ont tenté de faire. Malheureusement, ils ne pouvaient pas savoir que ça ne tournerait pas forcément mieux après.»
Une solution à l’interne : la fausse bonne idée?
Miser sur Bruno Aegerter, c’était donc opter pour une solution à l’interne. Mais à l’heure où casser une dynamique négative semblait urgent, n’était-ce pas une fausse bonne idée? «Disons qu’ils n’avaient pas vraiment le choix en attendant de trouver l’oiseau rare qui doit faire avancer l’équipe. On voit d’ailleurs souvent ce schéma dans le monde du hockey où le directeur sportif assume ses responsabilités en reprenant l’équipe. Ca a notamment été le cas de Fribourg l’an dernier lorsque Christian Dubé s’est auto-intronisé à la tête d’un effectif à la peine pour, au final, obtenir de très bons résultats. Là, les Viégeois espéraient que ça marcherait comme ça, ce qui n’est de toute évidence pas le cas donc ils sont à nouveau dans une situation difficile et en pleine phase de réflexion», répond Olivier Ecoeur. Faut-il donc s’attendre à voir un nouveau visage débarquer rapidement dans le vestiaire de la Lonza Arena? C’est en tous cas le souhait de Gabriel Taccoz, capitaine du HC Viège lors de son retour en 2ème division en 1999 : «Il faut tout de suite trouver un nouvel entraîneur, qui apporte quelque chose de nouveau et dont le message passe auprès des joueurs. Car là, pour moi, ces derniers n’écoutent pas Aegerter donc ça va être compliqué de gagner des matches comme ça. Vous savez, il y a une grande différence entre le rôle d’un directeur sportif qui signe des contrats et celui d’un entraîneur qui doit mettre les choses en place.»
«Miser sur un seul étranger, c’est risquer de le griller»Olivier Ecoeur - Ancien joueur et entraîneur de hockey valaisan
Si le HC Viège ne répond, du moins pas pour l’heure, aux attentes élevées placées en lui, il faut dire qu’il n’a pas, non plus, été épargné par les blessures depuis le coup d’envoi de l’exercice. Son gardien numéro 1 Reto Lory n’a toujours pas joué la moindre minute et ses remplaçants Sascha Rochow et Dennis Saikkonen ne présentent pas les mêmes gages de sécurité que lui. Mais ce n’est pas tout : victime d’une fracture de la mâchoire en recevant un puck de plein fouet dans le visage face à Winterthour le 17 octobre dernier, son top scorer américain Mark van Guilder n’est pas réapparu sur les feuilles de match depuis. Et si les Viégeois avaient misé sur le prêt de Glenn Gawdin pour pallier à cette absence, le Canadien n’est finalement resté que deux semaines dans le Haut-Valais avant d’être rappelé par les Calgary Flames pour préparer la future saison de NHL. Depuis, Bruno Aegerter ne peut donc compter que sur Troy Josephs comme renfort étranger. «Ce dernier est un super joueur, il travaille et je l’aime bien. Le problème, c’est qu’il a peut-être besoin de cinq à six occasions pour en mettre une au fond», regrette Gabriel Taccoz, une douzaine de saisons au compteur dans ce qui était encore la Litternahalle. «Miser sur un seul étranger, c’est risquer de le griller. Il est utilisé dans les situations spéciales, il est utilisé pour faire face aux premières lignes adverses, c’est une vraie clé. C’est donc très difficile d’être tout seul. Imaginez par exemple si on enlève les deux étrangers à Ajoie : ce ne serait plus du tout la même équipe», ajoute Olivier Ecoeur.
«Quand un ou deux maillons manquent à la chaîne, tout devient plus difficile»Xavier Reber - Ancien joueur du HC Viège
Un constat d’autant plus vrai lorsque le reste de l’équipe ne performe pas tel qu’il le devrait. C’est notamment le cas de certaines recrues viégeoises dont les arrivées durant l’été avaient suscité bien des attentes auxquelles elles ne répondent pas suffisamment à l’heure actuelle. «Prenons un joueur comme Merola par exemple. L’an dernier, je l’ai vu joué avec Thurgovie, il était vraiment très bon, très précieux pour son équipe. Mais là, je ne sais pas, il n’arrive pas à faire ce qu’il veut. Oui, il joue bien, mais pas autant que la saison passée», continue Gabriel Taccoz. «Peut-être mais il ne faut pas oublier que le hockey est un sport d’équipe», répond Xavier Reber. «Quand un ou deux maillons manquent à la chaîne, tout devient plus difficile. Les joueurs ont plus de peine à montrer leur vraie valeur même si la situation pourrait permettre à l’un ou l’autre de sortir du lot.»
Trois matches au programme cette semaine
Des joueurs qui sortent du lot, voilà justement ce dont aurait besoin le HC Viège cette semaine. Une semaine lors de laquelle trois matches sont au programme: les réceptions de Kloten et de Sierre à la Lonza Arena et le déplacement sur la glace des Ticino Rockets, l’une des formations les plus faibles de la ligue sur le papier. «Vous me demandez si ce n’est pas le bon moment pour retrouver le chemin de la victoire? Mais c’est toujours le bon moment!», sourit Olivier Ecoeur. «Gagner contre Kloten serait déjà du bonus, le faire contre Sierre, on sait que ce n’est pas la chose la plus facile à réaliser et, en tous cas, il ne faudrait pas perdre au Tessin. Sur ces trois matches, je dirais que l’idéal serait de faire six points pour se replacer un peu au classement.» De son côté, Gabriel Taccoz se montre plus gourmand, arguant sur la situation de crise dont il faut se sortir le plus vite possible: «Cette semaine, c’est clair, il faut faire neuf points! Pas trois, ni même six. Avec seulement huit points au compteur, le retard sur les autres équipes est déjà bien assez important!»
Premier de ces trois rendez-vous ce mercredi donc du côté de la Lonza Arena pour la réception de d'une équipe de Kloten que les Viégeois se voyaient tant concurrencer il y a de cela encore quelques semaines. Coup d’envoi à 19h45 du côté de la Lonza Arena.
Si Olivier Ecoeur, Xavier Reber et Gabriel Taccoz avancent chacun des raisons variées à cette crise que vit le HC Viège, tous sont unanimes sur un point : ce qui fait défaut aux Haut-Valaisans est aussi ce qui fait aujourd’hui le succès du HC Sierre, l’autre représentant valaisan de Swiss League. «Les Sierrois sont dans une spirale positive après avoir réussi leur début de saison, ils surfent vraiment là-dessus», témoigne Xavier Reber. «Ils ont misé sur la continuité, Dany Gelinas fait un super travail, il y a une belle osmose entre jeunes talents et joueurs plus expérimentés. C’est vraiment ce qui manque au HC Viège qui n’a pour l’heure pas autant d’automatismes», renchérit Olivier Ecoeur. «C’est super de voir qu’une équipe en Valais tourne bien, au moins ça ! Ils ont bien appris de la saison dernière qui était leur première dans cette division de jeu et les joueurs et le staff semblent ne faire qu’un, c’est ce qui fait la différence», conclut Gabriel Taccoz. Preuve de ce contraste entre les deux équipes, les deux premiers derbys de la saison ont à chaque fois tourné en faveur des «Rouge et Jaune». Une tendance que les Viégeois tenteront d'inverser dimanche, à domicile, à l’occasion du 3ème duel face au rival cantonal.
