Justin Murisier: «Atteindre mon objectif d’enfant m’a libéré»
Remis des pépins physiques qui ne l’ont pas épargné ces dernières années, Justin Murisier a effectué son retour aux avant-postes cet hiver. Dixième du général de géant, le Bagnard a notamment signé le tout premier podium de sa carrière en Coupe du Monde. Bilan.

Le rideau est définitivement tombé il y a une bonne semaine sur la saison de ski alpin. Pour Justin Murisier, celle-ci s’est conclue de la meilleure des manières. Sur la neige de Saint-Luc, le Bagnard est devenu champion suisse de géant pour la troisième fois de sa carrière. «En tout, c’est mon sixième titre chez les élites. Cela fait du bien de terminer comme ça, sur une bonne note, même si les championnats suisses n’ont pas grand-chose à voir avec le reste des compétitions», explique-t-il. «La préparation de la piste n’est pas la même qu’en Coupe du Monde, l’enjeu est différent, tous les athlètes ne sont pas au départ et c’est dommage. Si l’on s’investissait plus pour amener des sponsors et la télévision, il y aurait moyen de faire une belle manifestation. En ce moment, c’est malheureusement encore un peu le folklore…»
Un premier podium
Avant de s’illustrer sur le plan national, le skieur de Bruson avait conclu l’exercice en Coupe du Monde au 26ème rang du général, au 10ème du classement du géant, sa discipline de prédilection. «Je ne dirais toutefois pas que c’est la meilleure saison de ma carrière», poursuit-il. «En 2018, j’avais fini 7ème mondial en géant, j’étais alors au sommet de ma forme.» Reste que cet hiver a été marqué par son tout premier podium en carrière: une troisième place obtenue en décembre à Alta Badia. «J’aurais vécu comme une défaite le fait de ne pas y parvenir avant de ranger mes skis. Atteindre ce qui était mon objectif d’enfant m’a libéré même si je reste la même personne qu’avant.»
«Sur le podium, je me revoyais au fond du trou, sur mon lit d’hôpital.»Justin Murisier
Opéré quatre fois du genou droit en quelques années par le passé, le Bagnard reconnait avoir vécu des émotions particulières au moment de monter sur la boîte dans les Dolomites: «Cela m’a remémoré tous les moments difficiles, toutes les douleurs vécues auparavant. Je me revoyais au fond du trou, sur mon lit d’hôpital. C’était donc surtout une délivrance de me dire que j’avais bien fait de m’accrocher et que j’étais arrivé où je voulais. Les larmes qui coulaient à ce moment-là n’étaient donc pas des larmes de joie mais vraiment plus des larmes de soulagement, de délivrance.»
Justin Murisier sur le podium pour la première fois de sa carrière en Coupe du Monde, le 20 décembre dernier à Alta Badia (Photo:Keystone)
Quelques semaines plus tard, Justin Murisier retrouvait la région du Nord de l’Italie. Au menu: les Mondiaux de Cortina d’Ampezzo qu’il a quitté sur une élimination dès la première manche du géant et une non-qualification en parallèle. «C’est la déception de l’hiver, c’est vrai», reconnait-il. «L’an dernier, j’avais fini 26ème mondial en géant. Je ne pensais alors pas que je pourrais aller me battre pour une médaille à Cortina. Après, au vu du déroulement de cet hiver, forcément que mes objectifs ont changé. Sur le moment, j’étais donc déçu mais cela ne change rien au fait que je tire un bilan positif de ma saison. Ma priorité était de retrouver le Top 10, j’y suis parvenu.»
Un changement de matériel bénéfique
Si le Valaisan a pu lutter avec les meilleurs du monde cet hiver, il le doit peut-être aussi à un choix effectué à l’entre-saison: celui de changer de matériel, passant de Nordica à Head. «J’ai également pu m’appuyer sur un nouveau serviceman», ajoute-t-il. «J’ai quand même eu des difficultés à m’adapter au début. Durant l’été aux entraînements j’avais de la peine à me battre avec des gars comme Loïc Meillard ou Marco Odermatt. Mais dès la première course, avec l’adrénaline de la compétition, j’ai compris que j’arrivais à hausser mon niveau et que ce matériel fonctionnait bien. À partir de Sölden, j’ai donc pu construire ma confiance et même si j’ai été freiné par le coronavirus à la fin novembre, je suis très content de cette première saison avec Head.»
«Le jour où je me libérerai de mes blessures, je pourrai aller encore plus vite.»Justin Murisier
Épargné par les pépins physiques cette saison, Justin Murisier avoue toutefois que les blessures des dernières années sont encore bien présentes en lui aujourd’hui. «D’un côté, je peux dire que c’est du passé dans le sens où j’arrive à prendre le départ sans avoir de craintes concernant mon genou. D’un autre en revanche, si on analyse mes courses à la vidéo, on voit quand même sur certaines images que je ne suis pas en pleine confiance au moment d’aller sur mon ski. Le jour où je parviendrai à totalement me libérer de ça, je pense que je pourrai aller encore plus vite. Mais attention, je ne me cherche en aucun cas des excuses. Si je prends le départ, c’est que j’accepte de me battre avec les autres et cette saison, je pense pouvoir dire que je l’ai fait à armes égales.»
La Suisse: nation dominante du cirque blanc
Le Bagnard a ainsi participé à la magnifique saison réalisée par les skieurs suisses. Lesquels se sont illustrés à chaque course ou presque. «Ce n’est pas un hasard», clame-t-il. «Durant longtemps, nous avons été la deuxième meilleure nation du circuit derrière l’Autriche qui s’appuyait sur l’intouchable Marcel Hirscher. Depuis qu’il n’est plus là, on voit que c’est plus compliqué pour eux. De notre côté, il faut aussi reconnaître que c’est souvent les mêmes athlètes qui font les gros points. Je pense à Beat Feuz, à Marco Odermatt ou à Loïc Meillard. Mais la clé de ces bons résultats vient selon moi du travail de notre entraîneur en chef Thomas Stauffer qui fait tout pour nous mettre dans les meilleures conditions.»
«Les JO seront un gros objectif.»Justin Murisier
Cette saison 2020/2021 étant arrivée à son terme, Justin Murisier s’octroiera quelques jours de repos à la mi-avril avant un retour aux affaires prévu début mai déjà. Avec l’objectif de tout mettre en œuvre pour pointer plus régulièrement aux avant-postes l’hiver prochain. Lequel sera notamment marqué par les Jeux Olympiques de Pékin. «Ce sera un gros objectif pour moi. J’aurais peut-être un petit avantage du fait que les conditions sont très froides en Chine et que le matériel de chez Head marche très bien sur les neiges «agressives». Il faudra très bien se préparer et j’espère aussi pouvoir me qualifier en Super-G pour, pourquoi pas, m’aligner dans trois disciplines.»
