L'équipe de Suisse : dernière étape en date de l'évolution express de Naomi Luyet

Une vingtaine de minutes restent à jouer dans la rencontre qui oppose la Hongrie à la Nati à Budapest lorsque la sélectionneuse Pia Sundhage se tourne vers l'attaquante de Young Boys pour lui demander de partir s'échauffer. "Je n'avais aucune garantie d'entrer en jeu, mais j'étais déjà très contente à ce moment-là. Lorsque l'on m'a dit d'accélérer le mouvement, j'ai compris que les choses se précisaient. Ensuite tout est allé très vite. Je n'ai pas eu le temps de réfléchir. J'ai simplement enfilé mon maillot et je suis entrée en jeu." De retour au pays, Naomi Luyet a profité de son court passage en Valais ce week-end pour rapatrier ce maillot floqué du numéro 20, témoin de son baptême en équipe nationale. "Il va rester au chaud à la maison."

Cette première sélection n'était pas gagnée d'avance pour la Saviésanne. Au moment de sa convocation, il était prévu qu'elle participe uniquement au début du rassemblement afin d'emmagasiner de l'expérience lors des entraînements. "C'était déjà une chance de pouvoir vivre quelques jours avec l'équipe. Un enchaînement de blessures au sein du groupe m'a permis de prolonger mon séjour et de jouer ce premier match. Même si je ne me réjouis pas du malheur de mes coéquipières, à titre personnel, j'ai vécu quelque chose d'incroyable." Seul petit accroc : le résultat de la rencontre perdue 1-0 par les Helvètes. "En tant que compétitrice, j'aurais évidemment préféré une autre issue, mais une première sélection est un grand événement pour n'importe quelle joueuse. Cela m'a permis de relativiser cette défaite."

Parmi les cadettes du groupe, Naomi Luyet dit ressortir grandie des dix jours passés aux côtés de quelques-unes des meilleures footballeuses du pays. La jeune Saviésanne évoque le bon accueil que lui ont réservé ses coéquipières.

Cette première apparition sous le maillot national est venue clore la saison de haut vol réalisée par Naomi Luyet sous les couleurs de Young Boys. Alors qu'elle a découvert la Super League cette année, la Valaisanne a inscrit seize buts en vingt-cinq apparitions (saison régulière, playoffs et Coupe compris) sous les couleurs bernoises. "Mon objectif au début de saison était de gagner ma place de titulaire", relève-t-elle. "Là aussi, j'ai eu un brin de chance puisque j'ai "profité" de blessures de mes coéquipières pour gratter des minutes de jeu. Mes bonnes performances m'ont permis de prendre de l'importance aux yeux du coach. Même si j'étais convaincue d'avoir les capacités pour m'imposer, je n'imaginais pas vivre une telle saison."

Une saison qui lui a permis d'emmagasiner de sacrés souvenirs. Ceux de ses débuts en équipe de Suisse donc, ceux de son premier but inscrit dans l'élite face à Rapperswil début septembre et ceux du quadruplé réalisé lors de la nette victoire…21-0 de son équipe au 1er tour de la Coupe de Suisse. Adversaire des Bernoises ce jour-là : le FC Savièse au Stade Saint-Germain. "C'était un moment très particulier à vivre", sourit Naomi Luyet. "Le hasard a bien fait les choses puisque les chances que l'on se retrouve face à face étaient minimes. Jouer avec YB à la maison, à Savièse, avait vraiment une saveur spéciale. C'est là que tout a commencé pour moi. Là que j'ai tapé dans mes premiers ballons et que j'ai appris à jouer."

Après avoir aussi pratiqué le karaté dans sa jeunesse pour "suivre les traces de ma famille", celle qui possède également des origines japonaises de par sa mère s'est très vite orientée vers le football. "Mon passage des catégories juniors du FC Sion dans lesquelles j'évoluais avec les garçons à la section féminine d'YB en 2021 a été un tournant. Faire rapidement la transition entre les contingents M17 et M19, tout en pouvant m'entraîner quelques fois avec la première équipe m'a fait prendre conscience qu'évoluer en Super League pouvait être dans mes cordes."

À 18 ans, Naomi Luyet jongle avec un quotidien très chargé. Elle le partage entre le Valais pour de rares moments en famille, Bienne où elle réside durant la semaine et où elle doit obtenir prochainement une maturité spécialisée en économie et droit et donc Berne où elle brille crampons au pied. "Les trajets ne me dérangent pas, j'y suis habituée depuis mes 12 ans", relève une jeune fille partie très jeune rejoindre le centre de formation de l'ASF à Bienne. "Aujourd'hui, je vis en collocation avec une joueuse de GC. C'est marrant de partager un logement et de se retrouver face à face sur le terrain. Dans ma vie, ma priorité est le foot, mais je sais qu'il ne faut pas négliger les études. Maintenant que la saison est finie, je vais prendre du temps pour réviser les examens qui arrivent."

Une fois son diplôme en poche, Naomi Luyet n'aura pas davantage de temps libre. "Je vais effectuer un stage au sein de l'administration de Young Boys", explique-t-elle. "Cela me permettra de remplir mes journées et de découvrir le monde du travail." En se révélant cette saison, la Saviésanne a écrit une nouvelle page de l'histoire des jeunes joueuses valaisannes s'illustrant sous le maillot bernois. Malaurie Granges et Iman Beney l'avaient précédée. "J'entretiens une relation particulière avec Iman qui a aussi grandi à Savièse. Nous avons toujours tout fait ensemble puisque nous étions dans la même classe à l'école et que nous avons commencé le foot en même temps. Malaurie est un peu plus grande que nous. D'un exemple lorsque j'étais plus jeune et que je la voyais évoluer en Super League, elle est devenue une très bonne copine aujourd'hui."

Ces derniers mois, tant Malaurie Granges qu'Iman Beney ont été éloignées des terrains en raison d'une grave blessure. L'une et l'autre sont désormais sur la voie de la guérison. "Après avoir vécu tant de choses ensemble, notamment avec Iman, évoluer conjointement en équipe de Suisse lors de l'Euro à domicile de l'an prochain serait un rêve", sourit Naomi Luyet. "Participer à ce tournoi était déjà un objectif avant que je vive ma première sélection la semaine dernière. Celle-ci n'a fait que renforcer mon envie de tout donner pour montrer que je mérite ma place dans cette équipe."

En l'espace de quelques mois, la buteuse valaisanne est donc passée des catégories espoirs de Young Boys à l'équipe de Suisse A. Une évolution vitesse grand V loin d'avoir rassasier ses ambitions. "Après la défaite en finale de la Coupe contre Servette cette année, j'aimerais remporter un trophée avec YB", affirme celle qui a récemment prolongé son contrat dans la capitale jusqu'en juin 2026. "À plus long terme, mon objectif serait de partir à l'étranger et de découvrir un grand championnat. Je suis une grande fan du FC Barcelone qui est à mon sens le plus grand club du monde au niveau féminin. Je rêve de porter ce maillot un jour."

Prédite au plus bel avenir, Naomi Luyet aurait tort de ne pas croire en son destin. Qui sait, peut-être qu'un jour, le maillot blaugrana rejoindra celui de l'équipe de Suisse sur les hauteurs de Savièse.