Alvaro Lopez: «Mon cœur battra à 80% pour la Suisse et à 20% pour l’Espagne»
Comme l’ensemble des Espagnols établis en Suisse, Alvaro Lopez s’apprête à vivre une soirée particulière ce vendredi à l’occasion du quart de finale de l’Euro entre la Nati et la Roja. L’ancien joueur emblématique du FC Sion avoue tout de même espérer un succès de son pays d’adoption.

Il avait quitté son Espagne natal pour le Valais à l’âge de 15 ans. Il est ensuite devenu une figure emblématique du FC Sion avec qui il a remporté quatre coupes de Suisse et un titre de Champion. Lui, c’est Alvaro Lopez. Aujourd’hui âgé de 67 ans, l’ancien milieu de terrain œuvre bénévolement au sein d’une boucherie de Chamoson pour occuper sa retraite. Il a pris une pause pour évoquer avec nous le quart de finale de l’Euro qui met aux prises ce vendredi ses deux pays de cœur. Interview.
Alvaro Lopez, la Suisse qui défie l’Espagne, qu’est-ce que ça représente pour vous?
Un match particulier, forcément. L’important pour moi, c’est que les deux équipes se battent. Au final, si la Suisse gagne, je serai content. Si c’est l’Espagne, je serai heureux. Mais, honnêtement, j’aimerais bien un 2-1 pour la Nati.
Votre cœur, il battra plus d’un côté que de l’autre?
Ah, je dirais à 80% pour la Suisse et à 20% pour l’Espagne.
«Je suis suisse à 80% car ma mère est encore vivante. Par contre, je suis à 100% valaisan!»Alvaro Lopez
Aujourd’hui, vous vous sentez plus Suisse qu’Espagnol?
Bien sûr. La Suisse m’a tout donné. Je suis arrivé ici à 15 ans, je suis marié à une Suissesse, mes enfants sont suisses, mon fiston a fait l’armée,… Au final, le seul étranger à la maison, c’est moi (rires). Mais je suis Suisse de cœur. À 80% car ma mère est encore vivante. Par contre, je suis à 100% valaisan.
Finalement, quel que soit le résultat de ce quart de finale, vous serez gagnant…
C’est vrai. Comme je l’ai dit, je serai content qu’une équipe gagne et heureux si c’est l’autre (sourire). En tout cas, je regarderai ce match d’une manière décontractée. Bien plus que celui face à la France lors duquel j’aurais pu faire une crise cardiaque…
Où serez-vous pour regarder cette partie?
Chez moi, avec mes enfants. On sortira la télévision sur la terrasse et on suivra ça ensemble.
Le menu, ce sera plutôt raclette ou paëlla?
Raclette! Le riz, ce n’est pas le plat que je préfère (rires)…
Vos amis espagnols, qu’est-ce qu’ils pensent de ce match?
Ah vous savez, pour le moment, mes copains ne me disent rien. S’ils gagnent, ils vont bien m’embêter et s’ils perdent, je ne les verrais plus pendant une semaine…
«Les Espagnols sont en pleine reconstruction, avec beaucoup de jeunes encore un peu naïfs.»Alvaro Lopez
L’Espagne n’apparait plus aussi fort que par le passé. La Suisse aura donc un vrai coup à jouer, non?
Bien sûr! Les Suisses ne doivent pas se fermer. Ils doivent jouer de manière compacte et profiter de la vitesse de joueurs comme Embolo ou Shaqiri. Les Espagnols laissent beaucoup d’espaces derrière, ils sont en pleine reconstruction, avec beaucoup de jeunes qui sont encore un peu naïfs.
Une équipe en reconstruction mais qui est quand même sur la pente ascendante depuis deux matches…
Peut-être mais si on prend le match contre la Croatie, ils mènent 3-1 et ils continuent à aller faire jouer le gardien adverse plutôt que de solidifier le milieu de terrain. Au final, ils se font avoir en contre-attaque et ils prennent le 3-2 puis le 3-3. Au final, ils s’en sortent en prolongations mais ça prouve qu’ils ont encore des difficultés.
«Même si on peut regretter l’absence de Xhaka, il y a un vrai coup à jouer.»Alvaro Lopez
Lundi, la France a peut-être pris la Suisse de haut. Ce ne sera certainement pas le cas de l’Espagne ce vendredi…
C’est clair. Je crois que personne en Espagne n’a oublié la défaite de 2010, avant que la Roja devienne Championne du Monde. Tout le monde prend la Suisse au sérieux. En plus, la Nati a un peu près le même jeu que les Espagnols, que ce soit aussi bien tactiquement que techniquement. Et puis bon, on possède de très bons joueurs aujourd’hui, qui évoluent dans de grands championnats européens. Même si on peut regretter l’absence de Xhaka, il y a un vrai coup à jouer.
Qu’est-ce qui est dit dans les médias espagnols avant ce quart de finale?
Que la Suisse joue très bien au ballon. Qu’elle cherche à le monopoliser comme l’Espagne. Et, encore une fois, ils se rappellent de ce match de 2010 en Afrique du Sud.
Par rapport à 2010 justement, l’équipe d’Espagne parait plus prenable aujourd’hui. Vous êtes d’accord?
Oui, c’est vrai. Et la Suisse est meilleure maintenant qu’à l’époque. On ne doit pas avoir peur d’eux. Ce sont les Espagnols qui doivent nous craindre parce que si on les bat, il y aura le feu là-bas.
«La Suisse ne doit rien changer à sa façon de jouer.»Alvaro Lopez
Qu’est-ce qu’il faut faire, justement, pour les battre?
Je pense que la Suisse ne doit rien changer à sa façon de jouer. Contre la France, ils ont été extraordinaires. Il ne faudra donc pas laisser trop d’espaces aux Espagnols et profiter de leurs erreurs défensives. Quand ils ont le ballon, même leur libéro se retrouve dans le camp adverse. Il faut donc laisser quelqu’un devant, qui soit capable d’aller vite et de les prendre de vitesse pour les punir en contre.
Réitérer un match du même niveau que celui contre la France, c’est vraiment possible?
Mais pourquoi pas? Nos joueurs sont aussi professionnels que les Espagnols, les Français ou les Italiens. Il n’y a donc pas de raison que l’on ne puisse pas enchaîner plusieurs grosses performances. On a progressé, on n’est plus la petite Suisse. Regardez le match contre la France. Ils pensaient qu’ils gagneraient facilement et au final, qu’est-ce qu’il s’est passé? On les a renvoyé chez eux. Ce qui me fait plaisir, c’est que les nôtres n’ont pas peur de ceux qui viennent en face. C’est quelque chose de très important.
Vous dites «nous» ou les «nôtres» en parlant de la Nati. Pourtant, vous n’avez pas le passeport suisse, non?
Écoutez, pour moi, ce n’est ni le passeport, ni les cartes d’identité qui font que l’on est suisses. C’est le cœur et la tête. Il y en a beaucoup qui ont été naturalisés mais qui vivent comme s’ils étaient «chez eux», dans leur pays d’origine. Ce n’est pas comme ça que je vois les choses personnellement. Ce qui compte pour moi, c’est de s’adapter à la vie ici, de s’investir pour la Suisse.
«Ce sont les Espagnols qui doivent avoir peur. Si eux ne gagnent pas, ils se font tuer…»Alvaro Lopez
Pour en revenir à ce quart de finale, la Suisse sera l’outsider. On peut dire qu’elle n’aura aucune pression…
Bien sûr. Les Suisses nous ont donné tellement de plaisir jusqu’à maintenant que même s’ils perdent, on sera reconnaissants. Pour le jeu qu’ils ont fait et, surtout, pour avoir «tapé» la France (rires). Perdre contre l’Espagne, ce n’est pas grave. Ils ont déjà réussi leur Euro. Je le répète, ce sont les Espagnols qui doivent avoir peur. Si eux ne gagnent pas, ils se font tuer…
Pour finir Alvaro Lopez, un petit pronostic pour ce quart de finale?
Je ne donnerai pas de score. Tout ce que je peux dire, c’est qu’à l’issue du match, je serai heureux (rires).
